samedi, novembre 16, 2019

Un diner presque parfait



David courait dans les bois. À présent il trottinait en claudiquant, à grand renfort de râles de fatigue et de souffrance que seule une vie passée devant la télé pouvait offrir au sportif de haut niveau qu'il était devenu à peine trente minutes auparavant.
Il avait maintenant quitté la magnifique propriété de la famille de son épouse et se dirigeait vers ce qui lui semblait être le semblant de civilisation dont il avait perçu les lueurs nocturnes.
Mu par une envie irrépressible, il était sorti courir et ne regrettait pas sa décision. Le timing était parfait, il avait réussi à s'éclipser sans heurt. Le ciel était dégagé, on voyait loin et on voyait surtout où on mettait les pieds.

Les repas de famille avaient toujours été une source de déplaisir et de honte pour David, on lui faisait toujours remarquer qu'il devrait peut-être faire du sport, manière édulcorée pour dire qu'il était gros. C'était ce qui était le plus blessant, sa famille ne disait pas les choses, elle passait son temps à faire des remarques désobligeantes, utilisant tous les moyens de culpabilisation possible.
Mais jamais au grand jamais on ne lui disait en face la vérité si visible et apparemment si dérangeante, vérité qui d'ailleurs qui ne les regardait absolument pas.

Chez ceux de son épouse l’accueil avait été chaleureux, les gens avaient été gentils et malgré toutes ses appréhensions, aucune remarque déplacée n'avait été prononcée. Un repas de famille chez d'autres personnes devait ressembler à ça, un moment de retrouvaille joyeux et attentionné, cette année on ne lui demanderait pas de faire le père Noël !
La grande maison était à l’intérieur majoritairement boisée, c'était l'une de ces vieilles maisons de campagne bourgeoises. Elle sentait un peu la poussière malgré l'état d’époussetage impeccable, comme quelque chose qui fait partie du décor.
Ça sentait aussi la cire, le vieux papier et la naphtaline, les quelques tentures qui recouvraient les murs étaient dans un état avancées de grignotage.
Des livres il y en avait, assez vieux d'ailleurs, mais ils ne semblaient pas être régulièrement déplacés. Les livres, David les aimait assez, mais les très rares images que ceux-ci contenaient ne bougeaient pas assez à son goût et ne possédaient pas de télécommande.

Bref, une vieille maison, de vieilles personnes au regard pétillant, des attentions tout à l'égard de David, pour le premier Noël de sa vie il allait être heureux.
Dommage que ses filles n'aient pu venir, c'était l'un des points qu'il n'avait pas saisi et qu'il devait éclaircir avec sa tendre Marie. Mais pour le moment cela ne devait pas gâcher la soirée, c'était le 23 décembre et à ce qu'on lui avait dit il était de tradition, ici, de faire une sorte de pré-réveillon. On lui avait donné une lotion aromatique spéciale pour se laver, ça “purifiait” l'âme, mais pas vraiment l'air ambiant à son avis.
David s'était prêté au jeu et sentait une délicieuse tension monter plus l'heure avançait, on le regardait de plus en plus, sûrement pour voir comment un étranger réagissait aux plus simples de leurs traditions, ce qu'ils voyaient de ses réactions devait leur plaire.
Afin de pousser un peu plus la courtoisie, il se rendit à la cuisine pour aider, mais on lui fit comprendre doucement mais sûrement qu'il était invité en tout et qu'il devait se détendre et éviter de trop penser. On lui proposa même un massage pour attendrir justement ses muscles, et pourquoi pas remettre un peu de cette fameuse lotion qui ferait des merveilles.
David accepta de bon cœur mais pas avant d'être allé aux toilettes et surtout de s'être lavé les mains, l’hygiène dans cette maison était très importante.

Donc, après un petit sprint de départ pas trop mal réussi qui s'était soldé par un claquage à la cuisse au bout de la troisième seconde et une cheville à moité foulée dans un nid de poule, il était parti se refaire une hygiène de vie plus loin, c'était très important pour lui.
Mais bon, oui il aurait dû prendre la voiture, mais non, la grille n'était pas ouverte, elle qui l'était restée tout le temps de son court séjour.
À pieds les bois étaient sa seule chance pensait-il, il avait de plus entraperçu la fameuse lueur qui lui éviterait peut-être de finir lui aussi en petits morceaux croustillant sur le plateau d'amuse-bouche et en plus gros morceau attendris par les mains expertes de Papy Jacob pour le plat de résistance du lendemain.
Il faut dire que les petits doigts grillés dissimulés à la hâte lui avaient mis la puce à oreille. Il aurait dû s'en douter plus tôt, les vieux étaient très loin d'être séniles malgré leurs grand âge, ça ne collait pas avec la bave qui apparaissait quand ils le regardaient.

Une petite course c'est le cas de le dire, ça met en jambe, et puis il faut dire que les chiens derrière lui avaient l'air de s'amuser beaucoup. Peu importait pour David puisqu'il se dirigeait vers la lumière qui s'intensifiait.
Débouchant sur la clairière il vit les barnums et les voitures, un feu avait été allumé, on faisait ici aussi une fête.
Vu qu'il criait et que décidément on ne comprenait rien à ce qu'il disait on se dirigea vers David d'un pas alerte et concerné.

La réponse qu'on lui donna après son récit était frustrante, frustrée même, de découvrir que la viande allait être bien dure après tout le mal qu'on s'était donné pour ne pas qu'elle ne le soit.


L'arbre généalogique a été fait en 2008 à trois mains dans un TER en attendant d'arriver à destination.
Il a été refait au propre en 2018, cette arbre tordu annonce la mise en ligne intensive de mon travaille de 2018 !
Le petit texte c'est le bonus de publication de post.

Merci Lucie et Zoé.

Aucun commentaire: